Le Cognitivisme
La 2 ème Vague des TCC
Les thérapies cognitives s’imposent dans les TCC vers les années 1970, soutenue par l’avènement dans les sciences sociales du cognitivisme
Les sciences cognitives
La naissance des sciences cognitives vers 1956, coïncide avec la naissance de l’intelligence artificielle ; son application à la psychologie de la cognition est biaisée par une sorte de conception exagérée de l’Homme Computer, ou pur esprit traitant l’information. Les auteurs TCC invoqueront l’existence princeps de schémas fixés dès l’enfance, éventuellement modifiables.
Lev Vygotski (1896-1934)
Lev Vygotski est un fondateur raisonnable d’un cognitivisme scientifique très pragmatique et non dogmatique (Pensée et langage), la zone proximale de développement de l’enfant est un exemple d’observation empirique.
George Miller (1920-2012)
George Miller invente la psychologie cognitive qui, en restant dans son rôle, va s’intéresser à la mémoire, à la linguistique, à la planification d’action, à la communication.
Une véritable marée cognitiviste va envahir les sciences sociales et les universités, jusque vers les années 2010, se consacre à l’étude des lois de l’esprit, au fonctionnement intellectuel, sans rechercher des applications dans le champ des thérapies mais elle déformera les intentions de ses fondateurs ou pionniers. Les théories des schémas qui s’en revendiqueront ne proviennent pourtant pas de ces recherches, mais plutôt d’un effet consensuel, elles démontrent maintenant certaines limites. Certaines tentatives actuelles, d’appropriation cognitiviste des neurosciences, ramène l’humain à un cerveau ignorant l’environnement, l’histoire, la sociologie, la psychologie sociale par exemple, la culture, voire l’organisme humain dans son ensemble, répétant un certain dualisme corps esprit, la perception n’étant pas une simple histoire de plasticité neuronale.
Jérôme Bruner (1915-2016)
Ainsi Jérôme Bruner , trouve que le sens du monde n’est pas une construction du cerveau, il provient de l’interaction réelle avec l’environnement, les systèmes familiaux par exemple, etc. ou notamment sociaux et culturels, avec lesquels l’organisme en tant qu’individu est relié pragmatiquement et empiriquement, on pourrait dire le lien social. il s’agit d’un système transactionnel avec le milieu et interactionnel avec l’autre ; vue notre interdépendance, nos actes ont des conséquences et un impact sur autrui et sur le groupe.. L’activité cognitive est donc un flux interactif continu contrôlée par les contextes par exemple de communication sociale, de vie…, qui ne peut être fixiste. C’est le contexte comme l’expliquera le courant comportement contextualiste fonctionnel à partir de la fin des années 1980, qui explique la communication, pas la linguistique, rejoignant ainsi la pragmatique de la communication (Sperber, D. et Wilson, D. La Pertinence : Communication et Cognition. Les Editions de Minuit, 1989 ; Allard, 2005) La communication et les théories de l’esprit ne se réduisent pas à l’étude linguistique de la langue, ou neurobiologique du cerveau, mais à la prise en compte de l’utilisation du langage par les interlocuteurs dans des contextes, qui lui donne son sens, dont il s’agit de reconnaitre le contexte qui le contrôle. Bruner est devenu critique sur la métaphore de l’Homme Computer traitant l’information pour s’adapter magiquement au monde réel. Si les compétences neurocognitives propres à l’espèce sont un donné aussi bien génétique que phylogénétique, le rôle de l’environnement est crucial dans l’acquisition des connaissances, leur échange et leur utilisation évolutive…
Autres précurseurs plus proches du contextualisme fonctionnel actuel que des théories des schémas ou des croyances dysfonctionnelles.
Georges Kelly (1905-1967)
Pour Georges Kelly, chaque individu est un scientifique intuitif qui veut comprendre et contrôler son environnement, pour cela l’individu fabrique des constructs, ces prédictions sont conscientes ou inconscientes, automatiques ou volontaires, elles déterminent les comportements en fonction des attentes personnelles. Pour le constructivisme alternatif, les événements sont interprétés pour anticiper les conséquences, de manière bipolaire dichotomique, en bon / mauvais, un pôle visible qui s’impose, et un pôle implicite qui affine les interprétations par comparaison ou contraste pour aboutir à une décision…L’être humain a besoin de prédire à sa manière.
Walter Mischel (1962-)
Pour lui il n’y a pas d’invariant (schémas) qui détermine de manière stable un comportement. La manière de se comporter dépend du contexte situationnel. L’individu dispose de compétences, de stratégie d’encodages, il a des attentes (confirmées infirmées), des valeurs subjectives, un système d’autorégulation (planification). Il peut différer ou postposer une gratification selon un modèle cognitif, « cool » / émotionnel, « hot », qui autorise l’autocontrôle. Il propose une théorie interactionniste qui explique les comportements relatifs en fonction des cognitions liées aux différences individuelles, qui s’exprime en fonction des contextes
Les thérapies cognitives
Leur intérêt réside en ce que le patient élabore des concepts alternatifs, avec le thérapeute, cela meuble le contenu des séances, et le patient peut essayer de le mettre à l’épreuve ses nouvelles croyances dites alternatives pour réagir autrement aux évènements.
Quoique très utiles au niveau thérapeutique, on peut dire que si elles reprennent le langage des sciences cognitives, elles ont inventé des concepts ad hoc sous l’impulsion principale de 3 auteurs Beck, Ellis, Jung. Les précurseurs n’allaient pas dans cette direction
La conceptualisation des croyances ou des schémas, et des alternatives aux pensées automatiques dans les Thérapies Cognitive sont très différents des études scientifiques cités plus haut et plus spéculatives, peut-être parce que ces auteurs sont d’anciens psychanalystes qui ont critiquer l’approche freudienne. Ils sont souvent réorientés, depuis la toute-puissance inconsciente du passé œdipien freudien, dans la constitution névrotique et la résistance au changement, et les techniques d’interprétation par le psychanalyste au travers du transfert et de l’association libre, vers la possibilité de remise en cause conscientes de ces croyances fondamentales…
Albert Ellis (1913-2007)
Inspiré par le fondateur du stoïcisme, Zénon, formé par un disciple de Karen Horney il fut très influencé par Alfred Abdank Skarbeck Korzybski (1879-1950) fondateur de la sémantique générale, « la carte n’est pas le territoire, elle le représente » (auteur en 1933 de Science and Sanity, an Introduction to Non-Aristotelian Systems and General Semantics traduit en 2007 : Une carte n’est pas le territoire : Prolégomènes aux systèmes non aristotéliciens et à la sémantique générale ( 2007) Broché Bernars Hévin (2017) Les ruses du langage : initiation à la sémantique générale de Alfred Korzybski. Broché.
Ce psychologue américain rompt avec la psychanalyse en 1953, et développe à partir de1954, la thérapie rationnelle-émotive ( 1975 ) Le thérapeute aide les patient à comprendre que ses croyances personnelles sont à la source de leurs souffrances émotionnelles. En changeant activement les croyances et leurs conséquences, après s’être démontré leurs irrationalités rigides, on peut changer ses propres comportements limitants. Ces croyances de base sont trois « musts » : « Je dois être parfait », « je dois réussir partout » et « Je dois être aimé de tous », et leur corolaire, sinon rien ! Il n’y a plus qu’à agir à partir d’une position plus rationnelle.
Il fonde le concept de TCC, thérapie comportementale et cognitive (1957) labélisé TCC, qui va finir par s’imposer en proposant comme traitement des troubles psychologiques, d’ aider les patients à adapter leurs pensées et comportements, afin d’augmenter les bénéfices personnels, les diverses capacités.
Il vise 4 cibles :
- Suppression des émotions désagréables, anxiété, colère, jalousie, honte, dévalorisation, découragement, tristesse, désespoir, culpabilité..
- Suppression des comportements néfastes ; isolement, repli sur soi, agressivité, physiqueet verbale, manipulation, hypersensibilité, pessimisme, exigences perfectionnisme procrastination…
- Suppression du stresset somatisations : nervosité, maux de dos, eczéma, migraines, tensions nerveuses, , étourdissements palpitations, insomnie..
- Suppression des pensées obsédantes : besoin d’approbation, d’amour, de reconnaissance, de réussir, de se faire valoir, de bien paraître, de se venger, peur du jugement du ridicule, de faire rire de soi de souffrir, peurs des animaux ou des microbes, des foules, , de parler en public, de se tromper, d’être abandonné, rejeté, d’échouer.
On voir que cette position suppressive du négatif, hyper directive, voir des besoins fondamentaux est à l’opposé par exemple du potentiel humain qui revendique la satisfaction des besoins individuels comme source d’épanouissement…
Il explique en 1965, que l’homosexualité est une maladie qui se soigne puis lorsque ce trouble est retiré de la liste des pathologies par l’APA, vers 1976, il devient un fervent défenseur des droits des homosexuels ( Sex and the Liberated Man).
Aaron Temkin Beck (1921 – )
psychiatre considéré comme le père des thérapies cognitives, s’appuie principalement sur la notion de schémas cognitifs en tant que prisme de perception de l’expérience vécue subjectivement qui sont eux-mêmes à l’origine de pensées automatiques, auxquelles on substituera les pensées alternatives dites réalistes…pour les mettre à l’épreuve de la réalité.
Beck propose que les rêves reflètent davantage nos préoccupations qu’il n’exprime des désirs inconscients remontant à l’enfance.
Beck constatant la faible efficacité thérapeutique des interprétation classiques a utilisé un autre démarche qu’on nomme les cinq colonnes de Beck :
- Identifier les « pensées automatiques»,
- Analyser les processus cognitifs fonctionnant sur des
- Schémas de pensée dysfonctionnels ou autodestructeurs
- Pour leur modification activepar des pensées alternatives réaliste,
- Entraînant de nouveaux comportements.
Il fonde le concept de TCC, thérapie comportementale et cognitive (1957) labélisé TCC, qui va finir par s’imposer en proposant comme traitement des troubles psychologiques, d’ aider les patients à adapter leurs pensées et comportements, afin d’augmenter les bénéfices personnels, les diverses capacités.
Voici quelques processus provoquant des distorsions cognitives :
- L’abstraction sélective : focalisation sur un ou quelques éléments, en faisant abstraction de la totalité de la situation, rumination sur un détail au détriment du contexte.
- La personnalisation : attribution autocentrée sur soi. La personne se croit, à tort, visée par un comportement d’autrui : être trop attentif à ce que les autres pourraient penser.
- La surgénéralisation : généralisation d’un détail contaminant tout l’ensemble : « personne ne m’aime, tout le monde me déteste ».
- La dichotomisation(pensée en tout ou rien) : pensée manichéenne (bon/mauvais.), sans nuances intermédiaires.
- La catastrophisassions : amplification du désagrément en ‘inférant une conséquence catastrophique avec l’utilisation d’une emphase ; « horrible, scandaleux »
La fameuse triade dépressive de Beck décrivant les facteurs de la dépression majeure. Le patient a des idées négatives sur lui-même (1), le monde (2) et le futur (3), s’étaye sur le Beck Depression Inventory (BDI)
Au milieu des années 1960, Beck s’est familiarisé avec la thérapie comportementale et en a intégré de nombreux principes. La stratégie comportementale d’assignation d’une tâche graduée (échelle de difficulté des situations) selon une progression des situations spécifiques naturelles ou construites, permet aux patients de franchir les obstacles comportementalement (en maîtrisant l’émotionnel et le cognitif) d’aller vers des objectifs, par étapes définies à l’avance, orientées vers des buts, c’est une forme d’exposition.
Jeffrey Young (1950 – )
Psychologue américain, élève de Beck, il a proposé la thérapie cognitive des schémas précoces inadaptés ( 2006, Schema therapy for borderline personality disorder) qui a donné lieu à l’ approche des troubles borderline par Firouzeh Mehran qui l’a introduit en France.
Schéma précoce inadapté : modèle ou thème envahissant la vie de l’individu, c’est une stratégie individuelle, constitué dans l’enfance et l’adolescence, pour s’adapter à une situation, puis se renforçant au fil du temps de souvenirs, de traumatismes, d’expériences, de sensations, de pensées, il concerne soi et ses relations aux autres… En s’appliquant rigidement, il devient dysfonctionnel, et il n’apparait plus comme permettant à l’individu de s’adapter aux nouvelles conditions de sa vie.
Cinq grands domaines adaptatifs :
- Séparation et rejet
- Manque d’autonomie et de performance
- Manque de limites
- Orientation vers les autres
- Survigilance et inhibition..
Cinq besoins affectifs fondamentaux :
- La sécurité et l’attachement aux autres (stabilité, sécurité, attention)
- L’autonomie, (les sentiments de compétence, l’identité de soi)
- La liberté ou les habiletés d’expression émotionnelle de ses besoins
- La spontanéité, flexibilité, ludisme
- Les limites et l’autocontrôle.
Expérience de vie (dont Ils sont issus) :
a) frustration des besoins ( ex : schéma d’abandon),- b) de traumatisme ou de victimisation ( ex, si maltraitance ou aura un schéma de méfiance/abus), – c) excès de satisfaction des besoins ( ex : tout m’est dû), – d) internalisation ou identification sélective avec des personnes importantes ( on capte le schémas d’un parent son style d’adaptation son mode réactionnel)
Les styles relationnels :
Ils découlent d’un schéma précoce inadapté dominant, « qui se bat pour survivre » (qui a sa vie propre et sa résistance au changement) entraîne des comportements comme l’autodéfaitisme, qui apparaissent très tôt et se répètent comme des scénarios de vie. Leurs contenus latents sont évités ou appliqués ou compensé. Ils ont beaucoup à voir avec l’éducation parentale, le milieu, troublant la personnalité
Tempéraments émotionnels :
Young donne 7 dimensions hypothétiques du tempérament émotionnel : émotif/ aréactif – dysphorique/optimiste – anxieux/calme – obsessionnel/distractif – passif/agressif – irritable/jovial – timide/social…. Qui modulent les interactions de l’enfant avec l’environnement, en l’exposant différentiellement au parent, en le sensibilisant à certaines circonstances (timidité), un environnement particulier peut modifier ce tempérament ou son expression, à son tour, celui-ci peut prendre le dessus sur un environnement.
Les modes opérationnels des schémas :
Ce sont « les états émotionnels et les réponses d’adaptation instantanés – adaptés ou dysfonctionnels – dont nous faisons tous l’expérience » (Young, 2003) en nous comportant comme :
- Enfant, parent, adulte
- Enfant vulnérable, enfant en colère, enfant impulsif indiscipliné, enfant heureux spontané
- Parent punitif, parent exigeant
- Mode adulte sain
Young, J., Weishaar, M., Klosko, J. (2003, 2005). La thérapie des schémas. Traduction de Bernard Pascal. Éditions de boeck.
Pour aller plus loin…
1ère vague
Le Behaviorisme
3 ème vague
Contextualisme Fonctionnel